Fermentation entérique
Qu’est-ce que la fermentation entérique ?
La fermentation entérique est la dégradation des aliments par les microbes du rumen (protozoaires, champignons et bactéries) des animaux ruminants (bovins, ovins, caprins). Ces micro-organismes dégradent notamment les hydrates de carbone d’origine végétale (cellulose, hémicellulose, pectine, amidon) en sucres simples qui seront ensuite fermentés. Ce processus conduit à la formation de plusieurs sous-produits, y compris des acides gras volatils (AGV) qui servent de sources d’énergie pour l’animal, ainsi que du CO₂ et de l’hydrogène. En milieu anaérobie, les Archaea méthanogènes utilisent le CO₂ et l’H₂ pour produire du méthane (CH₄) qui sera éructé par les animaux principalement.
Pourquoi quantifier la méthanogenèse dans DECiDE ?
Le méthane a un PRG équivalent à 27 fois celui du CO₂ (GIEC, 2023) et est donc un GES puissant. La production de méthane par les ruminants est en quelque sorte un “prix à payer” pour valoriser les fibres par le biais des ruminants. Elle est responsable de 45% de l’impact climatique lié aux activités agricoles en Wallonie (AWAC 2022). À l’échelle d’une exploitation d’élevage, entre 50 à 70 % des émissions de méthane, selon les spécificités des fermes, sont émises par la fermentation des aliments dans le rumen des bovins, le reste provenant plus spécifiquement de la gestion des engrais organiques.
La production de méthane entraîne par ailleurs une perte énergétique de l’ordre de 2 à 12% de l’énergie brute ingérée par l’animal (Popova et al., 2011). Limiter la méthanogenèse ruminale est donc non seulement intéressant pour notre environnement, mais aussi pour améliorer l’efficience alimentaire de l’animal avec, au final, une baisse du coût de l’alimentation pour l’éleveur (Martin et al., 2006).
Quels indicateurs et comment les interpréter ?
Dans DECiDE, les émissions de méthane entérique sont calculées à l’échelle de chaque atelier animal ainsi qu’à l’échelle de l’exploitation.
Afin de calculer les émissions de méthane issues de la fermentation entérique, sont évaluées, dans un premier temps, l’énergie nette nécessaire à chaque catégorie d’animaux pour la survie, l’activité, la croissance, la gestation, et/ou la lactation, et celle disponible dans les aliments de la ration. Sur base de la digestibilité moyenne de la ration, l’énergie ingérée perdue sous forme de méthane est calculée et permet d’évaluer les émissions de méthane de chaque catégorie d’animaux présente sur la ferme. Ces émissions sont ensuite multipliées par le nombre d’animaux dans chaque catégorie, et la somme de ces résultats permet d’évaluer les émissions totales de méthane à l’échelle de chaque atelier et de l’exploitation. Afin de permettre la comparaison, ces émissions sont rapportées au nombre d’ha de SAU à l’échelle de l’exploitation. A l’échelle de l’atelier, elles sont rapportées à la surface fourragère allouée à cet atelier et à la quantité de produit (L de lait standard pour les ateliers laitiers, et kg de PV vendu pour les ateliers viandeux).
La comparaison permet de se situer par rapport aux exploitations/ateliers de même typologie. Il convient toutefois de relativiser aussi ses résultats par rapport au nombre d’animaux présents sur l’exploitation (UGB) ainsi qu’au niveau de production de l’exploitation (L de lait ou kg de PV vendus).
Leviers d’action pour limiter les émissions de méthane
Pour diminuer les émissions de méthane liées à la fermentation entérique, l’éleveur peut jouer sur 3 grands leviers :
- Alimentation des animaux : augmenter la part de concentrés ; apport de légumineuses fourragères ; augmenter l’apport de lipides (entre autres les graines de lin ou de colza extrudées) ; augmenter l’apport d’amidon, apport d’additifs spécifiques limitant la méthanogenèse.
- Gestion du troupeau : limiter les phases improductives des animaux (diminuer l’âge au 1er vêlage, diminuer l’intervalle vêlage-vêlage, augmenter la longévité des animaux), optimiser le nombre de génisses de renouvellement, augmenter le niveau de productivité des animaux.
- Génétique : favoriser des animaux avec une haute efficience alimentaire (faible Residual Feed Intake).
Pour en savoir plus :
- AWAC, 2022 : Emission de GES
- Dossier Celagri : Elevage et gaz à effet de serre
- Brunschwig P., Hurtaud C., Chilliard Y. & Glasser F., 2010. L’apport de lin dans la ration des vaches laitières : Effets sur la production, la composition du lait et des produits laitiers, les émissions de méthane et les performances de reproduction. INRA Prod. Anim. 23(4), 307–318, DOI:10.20870/productions-animales.2010.23.4.3310.
- Demeyer D. & Fievez V., 2000. Ruminants et environnement : la méthanogenèse. Ann. Zootech. 49(2), 95–112, DOI:10.1051/animres:2000110.
- Doreau M., Martin C., Eugène M., Popova M. & Morgavi D.P., 2011. Leviers d’action pour réduire la production de méthane entérique par les ruminants. INRA Prod. Anim. 24(5), 461–474, DOI:10.20870/productions-animales.2011.24.5.3278.
- Focant M., Froidmont E., Dang Van Q.C., Vanlierde A., Archembeau Q. & Larondelle Y., 2017. Réduire les émissions de méthane et les rejets d’azote et améliorer la qualité nutritionnelle du lait par l’alimentation des vaches. Fourrages 232, 297–304.
- Martin C., Morgavi D., Doreau M. & Jouany J.-P., 2006. Comment réduire la production de méthane chez les ruminants ? Fourrages 187, 283–300.
- Popova M., Morgavi D.P., Doreau M. & Martin C., 2011. Production de méthane et interactions microbiennes dans le rumen. INRA Prod. Anim. 24(5), 447–460, DOI:10.20870/productions-animales.2011.24.5.3277.
- Sauvant D., Giger-Reverdin S., Serment A. & Broudiscou L., 2011. Influences des régimes et de leur fermentation dans le rumen sur la production de méthane par les ruminants. INRA Prod. Anim. 24(5), 433–446, DOI:10.20870/productions-animales.2011.24.5.3276.